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confessions

encore de mes malices d’alors, ce fut elle qui me fournit l’argent nécessaire à la publication de mon premier livre, ces Poèmes saturniens où éclate bien le moi fantasque et quelque peu farouche que j’étais…

À l’époque de ma toute petite enfance à laquelle je reviens après cet écart en avant, les régiments se déplaçaient fréquemment. Celui de mon père dut quitter Metz peu après ma naissance et rejoindre à Montpellier. De ce séjour j’ai surtout à la mémoire de très somptueuses processions religieuses où des jeunes gens de la ville en robes monacales de diverses couleurs, la plupart du temps blanches, avec des cagoules rabattues sur la tête, percées de trois trous pour la vue et la respiration, se joignaient, qui m’effrayaient passablement. C’est pénitents qu’on les nommait et qu’on les nomme encore ; moi je les appelais « les fantômes » !

Dans la maison où nous demeurions, il y avait deux vieilles filles, marchandes de jouets, à qui ma bonne me confiait quand mes parents sortaient le soir. C’était pour moi le paradis, naturellement, cette boutique ! J’ai encore dans les yeux les resplendissants Polichinelles, joie et terreur, et tous ces tambours et toutes ces trompettes et les chariots sans nombre, et la pelle et le seau pour les trous dans le sable, et les paysages en boîte pour l’éparpillement des soldats de plomb grands comme