Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, V.djvu/181

Cette page a été validée par deux contributeurs.
169
confessions

toutes les poitrines — de presque toutes du moins ; car comme je m’étais un peu levé et approché du bord du trottoir pour mieux faire ma manifestation apparente, ô de pur instinct, ça croyez-le bien, et sans espoir d’une sous-préfecture après « la Glorieuse » imminente, un monsieur, chapeau rond, l’air d’un calicot en délire m’apostropha : « C’est vive la France qu’il faut crier, citoyen ! En un pareil jour il n’y a plus de partis, il n’y a plus que le drapeau », etc., — et pour me prouver la vérité de son dire, me désigna à des agents qui s’approchèrent et firent mine de m’empoigner. À cette vue, et comme je gesticulais comme un beau diable, proclamant encore et encore la République de toutes mes forces, et ma foi ! de tout mon cœur, les camarades de la terrasse et quelque public m’arrachèrent aux agents qui d’ailleurs me tenaient assez mollement, et je me dérobai aux ovations par le passage Jouffroy. En voilà une affaire ! on allait en apprendre de belles rue Nicolet ce soir ! Et harassé, plein de soif et dans un désordre de toilette qui réclamait quelque soin de ma cravate et autres accessoires, j’entrai au café de Mulhouse qui depuis fut un bouillon et sur l’emplacement duquel, jardin compris, s’est installé le Musée Grévin. Là, je demandai la dernière absinthe que je dusse prendre de longtemps, de pas assez longtemps, et le journal du soir le mieux informé qui était alors, la