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confessions

invitations à la cérémonie du jour s’ensuivant, j’assistai, en compagnie du seul M. Anatole France, mon ami depuis longtemps et toujours resté tel bien affectueusement (pourtant de nombreuses lettres de part avaient été envoyées par mes soins), aux courtes prières d’après-midi, dernier adieu à celui qui n’avait pu davantage lutter contre cette cruelle vie…

Dans quel état d’énervement je rentrai dans Paris proprement dit, l’incident suivant en fera preuve mieux que toute analyse psychologique.

La vérité venait d’éclater la veille, place Vendôme. Au lieu de la fausse victoire de Mac-Mahon qui avait fait, deux jours auparavant, se pavoiser follement toutes les fenêtres du quartier, hélas ! de la Bourse ! on apprenait la triple défaite et la retraite « en bon ordre » de l’armée du Rhin. Une extraordinaire surexcitation fermentait menaçante, et d’ailleurs absurde, comme la suite devait le démontrer. On s’arrachait les journaux autour des marchandes. J’en achetai un qui mit le comble à l’état d’esprit horriblement fiévreux où je me trouvais depuis la veille, et, je n’étais pas plutôt installé de quelques instants sur la terrasse du café de Madrid, où je trouvai nombre de camarades, littérateurs et ce qu’on n’appelait pas encore politiciens, qu’un régiment venant à passer. Marseillaise en tête, un formidable cri de « Vive la République ! » s’élança de