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confessions


gouache. J’y ai les yeux bleus, qui ont, si je puis ainsi parler, grisonné depuis, avec une bouche à la lèvre supérieure en avant et l’air foncièrement naïf et bon. Ai-je tant changé que ça ? En laid, oui ; en mal ? je ne crois pas.

Outre mes parents j’avais une cousine, de huit ans plus âgée que moi, orpheline du côté de ma mère, que celle-ci et mon père avaient recueillie et élevaient comme leur propre fille. J’ai toujours eu pour elle l’affection d’un jeune frère et elle m’aimait tendrement.

Pauvre chère cousine Élisa ! Elle fut la particulière douceur de mon enfance dont elle partagea et protégea longtemps les jeux ; parfois, dans les commencements, elle fut un peu, enfant elle-même, la complice innocente des malices ou plutôt encore l’inspiratrice des gentillesses puériles qui constituèrent ma vie morale de ces années-là. Elle taisait mes grosses fautes, exaltait mes petits mérites, me grondait si gentiment entre temps. Avec l’âge, ce furent de bons conseils, des exemples aussi de soumission, de déférence et de prévenance qu’elle me donnait et dont je profitais plus ou moins — et c’était une petite mère sous la grande, une autorité non plus douce, non plus chère, mais comme de plus près encore. Quand elle se maria, pour mourir hélas ! quelques années après, notre affection continua la même, et, que disais-je plus haut ? complice