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confessions

« fêtes » de la boisson inépuisable et de la chair goulue !… Un beau soir donc que j’arrivai, joyeux comme de coutume et même plus, puisque je venais de faire tout à nos mairies et églises respectives pour, dès le lendemain, la publication de nos bans civils et religieux, je fus accueilli de la bonne par ces paroles murmurées : « Mademoiselle Mathilde est très indisposée. Je crois que vous ne pourrez pas la voir aujourd’hui. » J’entrai et m’informai auprès du père qui me tint à peu près le même langage, et monta s’informer auprès de la mère qui me cria du haut de l’escalier : « Mais oui, venez donc. Votre visite lui fera du bien. »

C’était la première fois que je pénétrais dans la petite chambre toute blanche et bleue où se trouvait alitée ma fiancé. Je remarquai dès avant tout une photographie de moi disposée dans le coquillage d’un bénitier sur le mur et que je lui avais envoyée durant son séjour à la campagne, — et je fus infiniment touché ; mais des larmes eurent bien de la peine à ne pas me monter aux yeux quand mon regard se fut porté sur la malade et que ma main eut serré sa petite main brûlante ; la jolie face si mignonne, si rosement blanche, elle était toute tachetée de rouge violacé et un commencement d’enflure tuméfiait les joues en sueur. La bouche néanmoins souriait palote, hélas ! et les yeux, les vraiment et sincèrement beaux yeux qu’un éclat