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confessions

En s’approchant d’Arras on entre à Blangy, un peu grande banlieue où va, l’été, s’abattre la garnison de la ville, et célèbre, ce gros bourg dans des arbres et des jardins, par le choix qu’en fit pour ses réunions la société des Rosati, légèrement académique et bacchique discrètement, dont firent partie, entre autres célébrités, les deux Robespierre et Carnot l’aïeul. L’arrivée dans la ville même était particulièrement pittoresque (je dis était, car depuis ces temps et pas depuis longtemps on a, paraît-il, démantelé « cette place forte » comme la caractérise Monsieur Perruchon). Près d’un demi-kilomètre avant de contourner le rempart pour se répandre dans un grand bassin appelé, pourquoi ? le rivage, la Scarpe se parait de toute une végétation sous l’eau qui devenait fantastique, orientalement, mille-et-une-nuitamment belle quand le soleil y pénétrait et qui, par les jours de ciel terne, prenait un sombre presque ou tout à fait inquiétant… Une forêt noyée, avec des joies comme folles et des tristesses jusqu’à des terreurs !…

Le jour dont je parle, j’allai dans à peu près tous les cafés d’Arras qui sont nombreux, puis hantai quelques-uns, huit ou dix au plus, des estaminets de ladite ex-capitale de l’Artois, qui sont innombrables. Résultat : une « cuite » qui vint s’achever dans une maison de femmes et s’y éteindre dans des « flots de volupté »… à tant l’heure.