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confessions

besoin, qui allait presque jusqu’au désir tant il se rendait aigu par intervalles, de « changer de vie » comme dit l’amusante héroïne de Victor Hugo… Naturellement je n’allais pas sans avoir apporté de ma vie de Paris, boisson, filles, toute cette bonne mauvaise odeur de vice et de désordre qui persécutait les premiers Saints jusqu’au fin fond des plus austères Thébaïdes, — et ce m’eût été, pensais-je, ou plutôt éprouvais-je, un gros crève-cœur que de rompre avec ce délice, que de ne plus connaître la saveur des lèvres, des seins, de toute la chair, l’énervement, l’excitement des savantes et perverses et à jamais en tout cas, ô oui ! inoubliables caresses de tant de femmes, pour ne parler que de ce délicelà !

Ce délice ! Et comme il est vrai, quant à ce qui me concernait, ce mot, encore que je perçusse dès alors la littérale horreur de ces amours et leur véritable et, non plus bourgeoisement parlant, leur littérale criminalité. Les femmes de la catégorie à laquelle pouvaient juste prétendre et ma foncière timidité et mon très modeste porte-monnaie, m’enivraient, croiriez-vous cela ? Je les avais dans le sang, ma peau cherchait la leur, la leur, j’ai bien dit. Je m’imagine qu’une reine, qu’une impératrice, — ou tout bonnement une femme mariée, une femme honnête, suivant le mot courant, se serait offerte à moi, je l’eusse priée de me laisser tranquille… Et