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confessions


Un seul trait de l’atroce sorcière verte (quel imbécile l’a donc magnifiée en fée, en Muse verte !) un trait plutôt comique encore, en attendant des farces plus sérieuses.

J’avais une clef de l’appartement des Batignolles où nous continuions à vivre, ma mère et moi, depuis la mort de mon père, et j’en profitais pour rentrer à telle heure que je voulais de la nuit, moyennant des mensonges gros comme le bras, dont ma mère ne se doutait pas… ou se doutait, mais sur lesquels elle fermait…, difficilement et douloureusement, je le crains… aujourd’hui seulement hélas ! les yeux. Où je passais les nuits ? Pas toujours en lieux bien recommandables. De vagues « beautés » m’enchaînaient souvent de « liens de fleurs », ou je passais des heures et des heures dans cette maison de la vieille dépeinte si magistralement par Mendès et dont il sera parlé ici même en temps et lieu, ou j’allais purement, entre autres amis, avec le si regretté Charles Cros, m’engloutir ès-cabarets de nuit où l’absinthe coulait à flots de Styx et de Cocyte !

Si bien qu’un beau, ou plutôt qu’un vilain petit jour, comme j’étais, suivant mon habitude, rentré subrepticement, dans ma chambre séparée par un vestibule de celle de ma mère et m’étais, en silence, déshabillé puis couché à l’effet de goûter une heure ou deux d’un repos… injuste, bien que mérité, phi-