Page:Verlaine - Œuvres complètes, Vanier, V.djvu/112

Cette page a été validée par deux contributeurs.
100
confessions

dre « dans l’amour et le respect des Jeunes » la place du tant regretté Emmanuel Chabrier et j’allais souvent le chercher chez lui pour l’apéritif du soir.

Un jour, je vis, comme nous allions sortir, entrer, après le toc toc de rigueur, sa sœur, une toute jeune fille en robe grise et verte, toute gentille brunette.

En tomber amoureux, avec mon tempérament impatient, eut lieu sans retard aucun et c’est comme cela que fut écrite la Bonne Chanson.

Ô, comme dit Victor Hugo dans un vers dont il a rarement retrouvé l’analogue vibrant et vivant.


Ô mes lettres d’amour, de vertu, de jeunesse !


Car il faut vous apprendre que ce fut par lettres, elle en villégiature en Normandie, et moi, mon bureau de l’Hôtel de Ville me retenant à Paris, que fut composé ce cher petit volume qui est encore, ô jeunes gens qui aimez ce que je fais, ce que j’aime encore le mieux dans cette mienne pauvre œuvre !

De ce jour data ce qu’on appelle communément « une nouvelle ère » dans ma vie. La façon ou plutôt la tournure de ma conduite jusqu’ici, depuis ma vingtième année (et j’avais alors vingt-cinq ans passés) qui avait été débridée sinon tout à fait effrénée, tendit à se régulariser, à se ranger, pour parler bourgeoisement : en un mot, je songeai à faire une fin, et comme j’étais en somme tout jeune, la bonne fin, trêve et terme aux excès, boisson, femmes,