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les poètes maudits


Mais de ces blancs tombeaux en pente sur la rive,
Sous la brume sacrée, à des clartés pareils,
L’ombre questionnait en vain les grands sommeils :
Ils gardaient le secret de la Loi décisive.

Frileuse, elle voilait d’un cachemire noir
Son sein royal, exil de toutes mes pensées !
J’admirais cette femme aux paupières baissées,
Sphynx cruel, mauvais rêve, ancien désespoir !

Ses regards font mourir les enfants. Elle passe
Et se laisse survivre en ce qu’elle détruit.
C’est la femme qu’on aime à cause de la Nuit,
Et ceux qu’elle a connus en parlent à voix basse.

Le danger la revêt d’un rayon familier :
Même dans son étreinte oublieusement tendre,
Ses crimes évoqués sont tels qu’on croit entendre
Des crosses de fusils tombant sur le palier.

Cependant sous la honte illustre qui l’enchaîne,
Sous le deuil où se plaît cette âme sans essor
Repose une candeur inviolée encor
Comme un lys enfermé dans un coffret d’ébène.

Elle prêta l’oreille au tumulte des mers,
Inclina son beau front touché par les années ;
Et se remémorant ses mornes destinées,
Elle se répandit eu ces termes amers :