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mes prisons

traces, après usage accompli, la rendait plus délicieuse encore.

Que de ruses, que d’astuces


pour, lors de chaque salivation dans le petit bassin destiné à mes ablutions, faire couler un mince et aussi silencieux que possible filet d’eau, à l’effet de diluer et faire disparaître par la grille d’évacuation les preuves de l’affreux délit.

Les jeudis et les dimanches, ma mère, munie chaque fois d’une permission du procureur du Roi, venait me voir. Ô que pénibles (et douces !) ces visites à travers deux grillages distants d’environ un mètre. Nul moyen de s’embrasser que d’un signe de la main aux lèvres, de ne se parler qu’épiés der rière une porte, tout contre, pourvue d’un judas d’où on vous observe à loisir. N’importe ! ma brave mère tirait de sa poche un Figaro acheté à la gare, ledit Figaro arrangé ou plutôt allongé par torsion, en forme de très fin fleuret et me le passait à travers les grillages. Quelles émotions, jugez ! et quelles émotions à déployer, puis à lire ce journal qui, s’il m’avait été surpris es mains, m’eût valu le cachot, la privation de visite, la suppression de la pistole et autres inconvénients !

Et mille autres menues joies et petites misères auxquelles, grâce à mes nouvelles idées, je me résignais et finissais par m’habituer, chrétienne-