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mes prisons


Je fus mené dans un autre corps de bâtiment. Ma nouvelle cellule, un peu plus grande que l’autre, mais meublée de même, sauf le lit, bon, large, et permettant cette fraîcheur de s’étirer enfin, me plut dès l’abord.

Elle n’était pourtant qu’au juste confortable. Et surtout cet éclairage, d’ailleurs suffisant, filtrant à travers des barreaux horizontaux mais venu de trop haut et barrant, — c’est le cas de le dire au risque de deux répétitions — l’horizon. Mais quel bonheur d’enfin coucher dans un lit proprement dit ! Mais quelle félicité que ce semblant plus que modeste, de l’ancienne modeste, mais commode chambre, naguère hélas ! conjugale, avec son lit « de milieu »

Il faut savoir se contenter de peu, surtout en prison, et comme toute idée de femme m’était interdite de par la force, force me fut donc de me résigne. Ce que je fis.

Je demandai des livres. On me permit d’avoir toute une bibliothèque. Dictionnaires, classiques, un Shakespeare en anglais, que je lus en entier (j’avais tant de temps, pensez !). De précieuses notes d’après Johnson et tous commentateurs anglais, allemands et autres, m’aidèrent à bien comprendre l’immense poète, qui néanmoins ne me fit jamais oublier Racine non plus que Fénelon ni que La Fontaine, sans compter Corneille et Victor Hugo, Lamartine et Musset. Et pas de journaux !