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mes prisons

cris, des braillements, parvenaient jusqu’à des heures très avancées. Des airs surtout de La Fille de la Mère Angot, alors dans la fleur de sa nouveauté… belge, me tympanisèrent jusqu’à l’aube. Un litre de faro, du fromage et du pain, avec l’espoir qu’on me donnait ou plutôt me vendait, en outre, d’une prompte mise en liberté me laissèrent paraître néanmoins le temps bien long. Vers sept heures du matin, ma porte s’ouvrit — quels verroux ! — et l’on me fit descendre de quelques marches, dans une petite cour pavée où me furent apportés le café au lait et le petit pain nommé pistolet, traditionnels en Bruxelles. Les heures passèrent très nombreuses, me semblait-il ; à toutes mes questions sur ma délivrance prochaine, de vagues, je dis vagues geôliers, moitié en « civils », moitié en policiers, en pantoufles, flemmards, impolis et patelins, répondaient : « Oui, tout à l’heure, savez, ils vont v’nir, soyez sûr, tu verras… », si bien qu’après, vers une heure des pommes de terre en purée et je ne sais plus quelle viande mi-partie bouillie et rôtie de veau ou d’agneau avalées sans appétit, je fus appelé… vers une voiture cellulaire, assez semblable aux « paniers à salade » affectés chez nous à certains transports féminins pour la Préfecture, c’est-à-dire à panneaux métalliques peints en jaune et noir extérieurement et donnant quelque prise aux yeux sur le dehors. C’est ainsi que je parcourus une partie, inconnue de