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mes prisons

attiré ces foudres, dont il ne paraissait d’ailleurs pas plus affecté que cela. Ô le plaisant garçon, plein, aussi plein, de jugeotte ; et qui s’emballait mal sur l’article « sortie torrentielle », et manifestant peu d’enthousiasme pour « le Truc » au pouvoir. Et quel débrouillard ! Du dehors, par la complicité achetée, grâce à ses ruses et à sa faconde (en parisien, jactance), des factionnaires successifs, c’était, chez nous, à travers l’espace occupé au passage du tuyau du poêle à sa naissance, des arrivages de gouttes et d’apéritifs de tout acabit, activement expédiés, croyez-le. Le soir venu, chacun, enveloppé de sa couverte, s’étendait sur la planche, et des histoires, cric-crac ! des contes où les femmes et le clergé tenaient le rôle prépondérant, défilaient en longs récits parfois amusants, permettant au sommeil de ne pas venir trop tôt. De temps en temps un obus venu de Châtillon ou d’ailleurs sifflait au-dessus du vitrage, aboyait, hennissait, et s’allait épater plus loin, « dans le tas ». J’avouerai ici à ma honte que je profitai de l’ombre et du repos des deux nuits passées dans ces fers et sur cette paille, pour manger, que dis-je ? déguster, savourer le bienheureux pâté de perdreaux, en cachette, en suisse. Tiens, eux, les autres à ma place !…

On parlait parfois politique, et c’est une chose qui me frappa d’autant plus qu’à cette période de mon existence si contradictoire, apparemment au moins,