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mes prisons

Jules traditionnel sommeillait, utile et mal odorant.

J’entrai dans cette gigantesque salle de police où une trentaine, au bas mot, de prisonniers, képis et vareuses, causaient et chantaient, fumaient et jouaient, dominos, dames et échecs — ou les cartes ! en un mot menaient un train des moins maussades… pour eux-mêmes… Le poêle faisait rage, le vitrage aussi, et c’était une touffeur dans les bises, trop efficaces véhicules de bronchites prochaines et de rhumatismes à l’horizon, dont j’attrapai ma juste part rétributive aux temps voulus. La connaissance entre mes compagnons et moi fut vite faite, grâce à une humeur spécialement communicative et relativement toute ronde que j’ai. La grande majorité, disons la totalité de mes compagnons, se composait d’ouvriers affalés là pour menues fautes contre la discipline, du genre de la mienne (dans toute garde nationale bien entendue, la discipline, vous savez… et puis, c’est le cas de le dire… à rebours : « À la guerre comme à la guerre ! ». Le plus « attigé » d’entre ces braves s’appelait Chincholle, tout comme l’illustre reporter, déjà connu à cette lointaine époque, et même ce nom me frappa, — à preuve ! C’était un peintre en bâtiment, beau parleur, virtuose de la romance et de la scie, le boute-en-train du lieu. Son cas, un mois, provenait précisément de ce tour d’esprit, et quelque intempérance de langue vis-à-vis de quelque observation lui avait