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mes prisons

l’uniforme — de quel uniforme ! — et un peu de curiosité, aussi, me poussaient. Bref, le Rempart et le Bureau alternaient plus ou moins agréablement dans ma vie assez confortable d’alors (Quantum mutata !). Journée de bureau impliquait pour moi nuit de jeune ménage ; tour de rempart comportait du sommeil à la dure, — excellente condition pour ne pas s’aguerrir ès travaux de Mars. Aussi le premier feu jeté, bien savourée la joie de porter le képi de fantaisie et de manier le flingot à tabatière, le Bureau, tant honni aux jours pacifiques de cet « infâme » second Empire, me parut, en dépit de la sainte République tant, appêtée obtenue, et du danger couru par une patrie pour laquelle ma bonne volonté de « pantouflard » ne pouvait que vraiment trop peu, le Bureau finit par l’emporter dans mes préférences sur le Rempart, ses parties de bouchon dans la neige, son froid aux pieds, et cet ennui ! Et je négligeai quelque peu mon service et ses inconvénients pour mon emploi et ses compensations, conduite qui me valut bientôt la visite de mon caporal, un brave petit cordonnier de la rue Cardinal-Lemoine ; l’excellent garçon m’apportait un ordre de me rendre à la prison du secteur pour deux jours et deux nuits. J’accueillis le caporal très cordialement mais l’ordre mal, et refusai de suivre le premier. Le lendemain, celui-ci sonnait de nouveau chez moi, convoyeur encore de celui-là doublé.