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mes hôpitaux

temps l’excellent directeur, qui me fit admettre d’urgence dans le service du docteur T… Celui-ci fut littéralement si gentil, son interne aidant, pour moi, que j’éprouvai un littéral chagrin à me séparer de ces messieurs.

J’habitai une petite salle vitrée donnant en T sur une grande, si bien que, par la disposition directe de nos lits (nous étions cinq dont moi cinquième, vers un coin), je fus induit à nous comparer à des « figurants de la Morgue » ; mais le bon docteur — au courant de mon nom — l’avait surnommée la salle des Décadents.

Que je fusse parfaitement heureux dans ce j’espère encore dernier hôpital, non. Seulement j’y vécus un mois tranquille, tout aux soins charmants et délicats d’un parfait corps médical et du personnel subalterne le plus dévoué possible.

Même les « camarades » étaient plaisants pour la plupart et cordiaux. L’un d’entre eux particulièrement, un soldat, — quel terrible homme tout moustaches ! — sorti à peine des bataillons d’Afrique. Il ne croyait, le bon bougre, ni à Dieu, ni à diable (Parisien, en outre) ; et comme je lui objectais de temps en temps qu’il devait y avoir là-haut quelqu’un de plus malin que nous, et qu’il avait tort de ne pas croire en Lui et de ne pas s’y fier, mon Biribiste m’avait baptisé « ratichon », ce qui veut dire « curé » en argot. Il ne m’appelait jamais autre-