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mes hôpitaux

de peu la chose. Et c’est en ce moment qu’un soir d’été, sur une terrasse de marchand de vins-traiteur où, en compagnie, le poète dînant à crédit vit venir dans l’ombre humide d’un orage de tout à l’heure une forme longue, hagarde, timide, et si longue ! Cette forme se penchait sur lui presque spectrale, quand une voix brisée et rauque, et si faible :

— Comment, vous ne me reconnaissez pas, le petit chanteur de là-bas ?

— Eh quoi, mon ami, c’est vous ? Asseyez-vous donc. Garçon, un couvert et un dîner !

Car le pauvre enfant n’avait évidemment pas mangé depuis longtemps. Et il sortait, comme il le raconta, d’un hôpital, et de tous les asiles de nuit, il y avait deux jours de cela, et il errait… que haillonneux !

Le dîner, à quoi quel honneur fut fait ! fini, le « petit chanteur » confia à son dès lors et pour toujours ami, qu’il n’avait pas un sou pour se procurer un domicile.

— Je n’ai pas un sou non plus, mais ma chambre qui court encore est grande, et il y a de la place pour deux.

— Mais je suis malade, tuberculeux par suite de refroidissements et de privations.

— Et mes accointances dans les hôpitaux ?

Et le surlendemain, un peu mieux d’estomac, le