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mémoires d’un veuf

que de contact presque physique avec l’adversaire ; leur visée étant plus haute, leur idéal infiniment moins concret ; il ne s’agissait point pour eux d’affirmer de bruyantes théories par tous les moyens, fût-ce par le pugilat, si cher aux jeunes forces. Non, ils étaient et sont pour la plupart restés poètes dans le sens le plus aristocratique du mot : rappeler l’élite de la foule au respect de l’élite des esprits, et l’élite des esprits au culte de l’exquis de l’esprit, prendre en quelque sorte sous les bras cet enfant de bonne volonté, le bourgeois intelligent et sensible, pour lui faire baiser (fût-ce de force, mais c’est ainsi que se pratiquent les bonnes éducations) le pied chaste de la Muse — mot païen , idée éternelle — tel fut leur but, atteint. Et remarquez bien qu’ils n’avaient pas de chef. Leur conjonction fut spontanée, personne qui les eût poussés au combat, qu’eux-mêmes — et ce fut assez ! Certes ils admiraient tels ou tels, les vieux et les jeunes, Baudelaire, Leconte de Lisle, Banville, ces derniers, lutteurs superbes d’isolement et d’originalité, partant sans disciples possibles — mais observez comme chacun d’eux ne ressemble — à part certaines formules communes inévitables — à personne de ses glorieux aînés, non plus qu’aux premiers de ce siècle. Au contraire, s’il fallait à toute force chercher des similaires à ces Originaux, ce serait aux siècles de Tradition, au seizième dont ils emprun-