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mémoires d’un veuf

éclater dans l’ancien captif de Bonaparte toute une paternité sublime indiciblement.

Ah, le Mémorial ce qu’on y trouve ! Hein ? la lutte avec Hudson Lowe, la lutte terrible à torréfier le foie, à « flétrir le cœur» comme disait Saint-Just, fou sympathique ! La fierté ! l’orgueil clair et coupant, la riposte fulgurante et l’attaque irrésistible ! D’aucuns sentimentaux regrettent de ne pas voir dans ce suprême testament, le moindre repentir au sujet du duc d’Enghien. Mais le jacobin, insensés ! le quasi jacobin resté latent, qu’en faites-vous ? Et puis Bonaparte, s’il admirait nos grands rois, n’avait et ne pouvait avoir que haine et mépris pour les polichinelles fleurdelysés, princes du sang ou non, qui avaient laissé massacrer sans être à leur tête les géants de la Vendée et du Bocage.

Dans ce livre aussi l’homme est bien notre homme, le Français dirait-on, non d’aujourd’hui, mais du temps de nos grands-pères plutôt encore que de nos pères. Sobriété, fleur d’orange, eau de Cologne, comptes de ménage (ô savoir compter !). Et cette tabatière ancien régime ouverte, comme sa bibliothèque toute militaire, aux officiers anglais de la garnison de Sainte-Hélène, émus et fiers !

Et encore et enfin, quel veuf, lui ! Sa petite Louise qu’il embrassa si rondement lors de leur première entrevue officielle, la bonne grosse boulotte qui séait à son tempérament actuel, la mère de son