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CORBILLARD AU GALOP


J’étais dans le haut de la rue Notre-Dame-de-Lorette, que je descendais la tête basse et fumant un cigare, sans penser à rien, ainsi qu’il m’arrive les trois quarts du temps. Dix heures du matin sonnaient partout. Il faisait un de ces soleils mouillés du dernier été. L’air, tiède et lourd, disposait à l’ennui. Les passants, assez nombreux, allaient d’un pas lourd, tandis que la voix des marchands ambulants montait, lente et grêle, parmi la fumée onctueuse des cheminées et la puanteur molle des ruisseaux, vers le ciel bas.

Un bruit soudain de voiture brûlant le pavé me fît lever les yeux, et j’aperçus un corbillard de dernière classe, un de ces étroits corbillards dits « des pauvres » avec un toit demi cylindrique et un sablier de cuivre incrusté entre quatre étoiles pour tout ornement[1]. Dans ce corbillard, il y avait un cercueil recouvert d’un drap noir, sans broderies,

  1. Détail qui indique qu’on écrivait ces choses il y a longtemps. Même observation pour quelques autres passages de ces « Mémoires ».