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les poètes maudits

l’est, quand cela lui convient, au premier chef, tout en demeurant le grand poète que Dieu l’a fait.

À preuve l’Oraison du soir, et ces Assis à se mettre à genoux devant !


ORAISON DU SOIR


Je vis assis tel qu’un ange aux mains d’un barbier,
Empoignant une chope à fortes cannelures,
L’hypogastre et le col cambrés, une Gambier
Aux dents, sous l’air gonflé d’impalpables voilures.

Tels que les excréments chauds d’un vieux colombier
Mille rêves en moi font de douces brûlures ;
Puis par instants mon cœur triste est comme un aubier
Qu’ensanglante l’or jaune et sombre des coulures.

Puis quand j’ai ravalé mes rêves avec soin,
Je me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes,
Et me recueille pour lâcher l’âcre besoin.

Doux comme le Seigneur du cèdre et des hysopes,
Je pisse vers les cieux bruns très haut et très loin,
Avec l’assentiment des grands héliotropes.


Les Assis ont une petite histoire qu’il faudrait peut-être rapporter pour qu’on les comprît bien.

Arthur Rimbaud, qui faisait alors sa seconde en qualité d’externe au lycée de ***, se livrait aux