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BONS BOURGEOIS


On tire les rois chez les Beautrouillard. Des bons bourgeois cossus de Grenelle. Chez eux, tout respire l’aisance et le goût de la majorité des petites gens passablement riches de naissance. La salle à manger est une pièce sombre à poêle blanc en faïence, avec dressoir « Louis XIV », chaises idem, suspension en porcelaine à monture de nickel, natures mortes au rabais et le portrait d’ancêtre acheté, il y a déjà plusieurs années rue Drouot à la fameuse vacation Chose. Deux glaces se font face des deux côtés de la table.

Celle-ci est au complet. Le père, une magnifique calotte de drap d’or un peu de côté sur sa tête chauve et blanche, barbe de magnat polonais et des yeux matois. La mère, digne femme, trop bonne. Un gendre un peu éméché, un autre gendre très sérieux ce soir. Il ne l’est pas toujours. Les deux filles, deux boulottes, qui bafouillent.

Plus une vieille demoiselle de la campagne, parente du gendre qui est sérieux ce soir. Elle vient là pour la première fois de sa très longue vie.