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les poètes maudits

Le défi dans les yeux, dans les dents le juron !
À l’écume crachant une chique râlée,
Buvant sans hauts-de-cœurs la grande tasse salée
— Comme ils ont bu leur boujaron. —

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


— Pas de fonds de six pieds, ni rats de cimetière :
Eux, ils vont aux requins ! L’âme d’un matelot,
Au lieu de suinter dans vos pommes de terre,
Respire à chaque flot.

Voyez à l’horizon se soulever la houle ;
On dirait le ventre amoureux
D’une fille de joie en rut, à moitié soûle…
Ils sont là ! — La houle a du creux. —

— Écoutez, écoutez la tourmente qui beugle !…
C’est leur anniversaire. — Il revient bien souvent !
Ô poète, gardez pour vous vos chants d’aveugle ;
— Eux : le De profundis que leur corne le vent,

… Qu’ils roulent infinis dans les espaces vierges !…
Qu’ils roulent verts et nus,
Sans clous et sans sapin, sans couvercle, sans cierges.
— Laissez-les donc rouler, terriens parvenus !