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mémoires d’un veuf

me vois honteusement ivre et berné d’épisodes mortifiants.

Pour revenir à Paris et en finir avec, je dois mentionner un des rêves de ma petite enfance, alors que je n’avais vécu qu’en province, et qui me représentait souvent, rue Saint-Lazare, un peu en deçà de l’emplacement actuel de la Trinité — une remise de voiture accotée d’une interminable caserne. Tout le monde se souviendra d’avoir vu là remise et caserne. Celle-ci fut démolie en 1855 et sur ses ruines poussa un bazar de planches qui n’a fait que bien plus tard place à l’église qu’on sait. La remise de voitures a disparu dans l’élargissement du carrefour. Toujours est-il que ce fut un de mes ébahissements de petit garçon quand, des années après que j’eusse oublié mon rêve, pour alors m’en ressouvenir brusquement, je vis pour la première fois ce coin de rue que je connaissais si bien.

J’ai passablement voyagé, vécu bien des mois en province et à l’étranger, cela depuis assez longtemps pour y avoir pris des habitudes, ramassé passions et aventures, enfin pour en rêver. Eh bien ! sauf le cas de Londres, ci-dessus énoncé, toutes mes nuits se passent à Paris, ou alors nulle part. Naturellement ce nulle part est difficile à rattraper : autant que j’en peux ramener quelque chose, c’est un pays comme un autre, des villes et des campagnes. Dans une de ces villes il y a une espèce de