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mémoires d’un veuf

tées et dont les formes, — pains de graisses roses et jaunes, bandes de caramel rouge à demi fondu que piquent des moitiés d’amandes rances, tas violet de gelées innommées et de galantines innommables, amoncellement poussiéreux de French-rocks, tea and coffee cakes et muffins avariés, — tournoient, s’effilent, s’évaporent dans la distance alacrement accrue et dans les brouillards du rêve qui s’efface.

Du cimetière — où ne me mène pas la vision précédente, — j’ai deux aspects bien différents.

Des fois, par un grand vent de pluie, vers le coucher du soleil, pressé d’arriver quelque part évidemment, et peu soucieux d’examiner autour, je traverse à grands pas une haute allée flanquée, sur un côté, de tombes, d’arbres déchevelés et de grandes herbes frissonnantes , tandis que vers l’autre bord se creuse une vallée dont les arbres, — des arbres de forêt — hêtres, chênes et frênes, — viennent faire gémir et craquer leurs cîmes juste à ma hauteur, et où, entre l’ombre du soir et celle des ramures, luisent des cippes, des urnes et des croix.

D’autres fois, il est dix heures d’un matin d’été chaud déjà. L’ombre est bleue le long des trottoirs et tranche vigoureusement sur les losanges de soleil dans les rues. Au plain cœur d’un joli quartier Auteuil ou Neuilly, sans commerce mais assez passant, à travers la glace d’un fiacre où je suis, je vois