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pierre duchatelet

gâté, même ici à Paris, même en République ? C’est faire charcuter les gens pour rien !

Le capitaine tira de sa poitrine un second papier qu’il déploya, gargarisa sa voix dans un : hem ! qui le cambrait, changea le parallèle impératif de ses jambes en un repos de défi à l’ennemi sur le pied gauche, le pied droit en avant battant comme une Marseillaise sur l’humidité noire des pavés, — et d’un ton suraigu, vibrant, très ému du reste, proclama un appel du commandant du secteur au patriotisme de tous les gardes de bonne volonté : — Que vos frères d’armes, disait la conclusion de cette pièce, ne partent pas seuls. La République compte qu’une bonne escorte de volontaires accompagnera les hommes désignés pour aller combattre les derniers combats de la délivrance !

De très jeunes gens regardèrent leurs compagnons qui souriaient goguenardement. Le silence était glacial comme ce vent des derniers mois en r qui vient geler les haleines dans les barbes. Le capitaine avait remis ses papiers dans sa poitrine, désappointé sans trop d’étonnement, sentiment traduit par un presque imperceptible mouvement d’épaules.

Pierre Duchatelet, tour à tour pâle et rouge, tout tremblant, dit à voix entrecoupée :

— Pauvre patrie ! Je m’engage aux bataillons de marche !