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louise leclercq

d’elle éprise, leurs yeux perdus dans leurs visages, elle lui dit lui passant la main sur les cheveux lentement, s’arrêtant quelquefois :

— Mon Léon, tu sais que je t’aime plus que moi-même et que tout au monde. Je suis toute à toi, donnée et prise. Tu m’as conquise absolument. Ton sang coule dans mes veines et ta chair respire dans mon sein. Mais, homme chéri, il faut penser à toi. Je ne puis plus faire ton bonheur que loin de toi désormais. Loin de toi par l’espace, car je serai toujours là par le désir et par toutes mes actions et par toutes mes pensées, qui ne seront que pour toi. J’ai des parents que j’ai laissés, il faut que j’aille les retrouver et consoler les derniers jours que je leur aurai tant avancés. Tu resteras ici où tu seras mieux qu’à Paris. Je t’écrirai tous les jours. Et puis je le veux, tout ton bonheur est dans ma volonté accomplie. Tu verras qu’il y a autant de plaisir dans la privation comme ça que dans la satisfaction…

Tout cela moins bien dit, plus délayé, plus à la portée du pauvre garçon ébahi mais que, par degrés, cette parole accoutumée ramena au calme et qui finit par dire oui, oui, et par s’en aller à son magasin tout en pleurant après avoir promis d’être sage.

D’ailleurs, dit-elle, je ne pars pas encore. À ce soir, cinq heures.

Elle lui donna une nuit qui les mena, ravis, exta-