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louise leclercq


Elle avait quitté ses parents sans un mot d’adieu, rien, rien et rien ! Ce n’était ni une fuite ni un départ. C’était une destinée qui allait où elle devait aller. Tout sentiment autre que l’amour était aboli pour elle. Son action n’était pas de la révolte même instinctive, mais bel et bien la vie qui passait, la tirant à sa suite. Avec cela le plus grand sang-froid. Valise pleine d’objets utiles adroitement expédiée en secret à la consigne sous un faux nom vraisemblable, sa comptabilité en ordre jusqu’au dernier guillemet et durant toute cette période de préparatifs, comme du reste depuis le jour de sa chute, la même fille docile, soumise, travailleuse et doucement gaie absolument qu’auparavant. Mme Leclercq n’y vit que du feu cette fois.

Il était deux heures de l’après-midi. Le train ne partait qu’à six. Ils allèrent dans un hôtel voisin où ils mangèrent, après quoi Louise demanda une chambre pour la nuit. Ils signèrent M. et Mme Doucet sur le livre de police. Louise avait écrit la première Doucet était un peu surpris de cette remise du voyage au lendemain, mais il eut tôt compris et certes il ne songeait pas à se plaindre. Le soir Doucet sur son désir la mena dans un café-concert où il était sûr de ne pas rencontrer de camarades. Ce spectacle lui plut beaucoup comme il doit plaire, en dépit des sots, à tout spectateur neuf, par sa franchise et sa variété, de même qu’il plaît aux dégoûtés