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louise leclercq

la passion que la pudeur, il lui fallait bien se rendre à l’évidence et reconnaître ce qui l’effraya tout d’abord. Mais de ces frayeurs-là, on s’en remet vite à vingt ans, et dès qu’il se vit aimé, sans aimer il désira, et dès lors sans plus y réfléchir, il manœuvra au-devant de la marche en avant de Louise, La pauvre fille fut vite « perdue ».

Comment arriva la catastrophe, c’est ce qu’il est inutile de préciser : la vie parisienne de ces régions a tant de coins et de recoins, d’allées et de venues, de carrés d’ombre et d’occasions pour quelqu’un de très pur ou de très brutal, qu’on serait surpris de compter tous les malheurs dans ce genre qui s’y préparent et s’y installent. Louise tomba victime de cette malice des choses autant que de leur ennui intrinsèque, cet ennui qui la déprimait depuis son enfance, à son insu, malgré son héroïsme inconscient et la simplicité presque virile de ses vertus.

Pendant quelques jours ce fut pour la chère enfant un délice énorme, un vertige de joie. Son innocence gardée en dépit de la faute, ou plutôt l’ignorance de son innocence envolée (où ? qu’en savait-elle ?) la faisait à son tour désirer et se complaire à l’assouvissement du désir… Hélas ! le sang et les nerfs l’emportaient sur les pauvres principes, sur l’âme vaillante mais faible, sur la raison, sur l’amour filial, sur le juste orgueil, sur tout ! Et que celle qui fut sans faiblesse lui jette la première pierre !