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louise leclercq


Mme  Leclercq, avec son œil de mère, de femme, et de négociant parisien — (au fond c’était elle, comme tant de femmes françaises, qui avait l’initiative dans les affaires de la maison) Mme  Leclercq avait pénétré au fond du creux de ce garçon. Elle avait comparé ce vide avec le vide actuel de cœur, de tête, et de sens de Louise. La beauté réelle, substantielle, du commis des Docks du Blanc l’effrayait, mère, l’indignait, femme, et commerçant, la dégoûtait.

Un beau jour elle découvrit un immense amour de sa fille pour cette poupée imberbe, et ce qu’elle pleura ! Sa tête s’y serait perdue sans l’affection maternelle. Son mari, lui, naturellement, ne vit, n’entrevit rien de rien. Les hommes, les pères dans ces questions !

Et Mme  Leclercq avait raison… L’amour a souvent été comparé à un aigle. À tort. Parbleu, de l’aigle il a la rapidité, mais c’est tout. Il n’aime pas le grand jour, d’abord. Ceci dans tous les cas. Puis il ne tue que les faibles, et s’il s’attaque à d’autres par mégarde, ce qui lui arrive souvent, il a lieu de s’en repentir presque toujours. Non, c’est le hibou qu’il rappelle plutôt. Il a l’obliquité, le plumage élastique du hibou ; — et ses serres ! Il a les grands beaux yeux fixes, les belles ailes emphatiques et muettes du hibou, son doux cri sinistre, son élan d’ouate sur la proie jamais manquée, puis, la proie