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louise leclercq


Cela durait peu, quelquefois une minute ou deux, rarement quatre ou cinq ; bien vite les yeux errants, vacants, revenaient sur le surget commencé, sur le total à reporter, — la main pendante ou qui caressait le front du bout d’un doigt sans but, prenait à nouveau la plume ou l’aiguille, — la sage Louise, pratique, sérieuse, pareille à elle-même, descendait de l’hippogriffe, fermait le château en Espagne, se retrouvait aux Batignolles, rue des Dames, dans l’arrière-boutique de son père, M. Leclercq, marchand épicier, successeur de Costeaux, — et comme elle s’y plaisait, toute rassurée, toute chez elle !

Sa mère avait surpris cette presque imperceptible assomption sur la Chimère d’une pensée rendue un instant incapable de lest. Du reste elle n’en parlait pas à Louise, thésaurisant ses observations pour les dépenser au besoin en utiles conseils, en reproches modérés : mais cette rigueur se trouverait-elle jamais nécessaire vis-à-vis d’une enfant aussi sensée, aussi bonne ? On ne savait, pensait Mme  Leclercq, qui pouvait répondre ? Et sans s’alarmer elle s’inquiétait un peu.

Louise, on le sait, était entrée dans sa vingt-troisième année. Sans précisément s’occuper d’un établissement pour elle, ses parents ne pouvaient s’empêcher d’y penser quelquefois. À deux ou trois reprises même, à des mois d’intervalle, ils s’en étaient parlé en cette année 188… Dame, ils n’étaient plus