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louise leclercq

vais air, non, elle n’aurait pu parler d’un phénomène analogue par rapport à elle-même, elle aurait au contraire pu sans mentir nier qu’elle en eût jamais eu conscience.

Et pourtant elle s’ennuyait parfois. Surtout ces jours de pluie dont il a été parlé ; vers le soir aussi principalement en été, quand il fait encore assez clair pour travailler et déjà suffisamment obscur pour allumer la lampe ou les bougies. L’hiver la nuit tombe sans presque de transition, le feu d’ailleurs vit à côté de vous, lumineux et bruyant, cause avec vous, voudrait-on croire, vous envoie sa chaude haleine, vous regarde de ses mille yeux familiers ; mais l’entre-chien-et-loup des fins d’après-midi de la belle saison est vraiment redoutable aux organisations tant soit peu délicates : tout s’efface, s’estompe, semble se désoler, vous laisser seul entre quatre murs d’ombre à tout instant épaissie. C’est alors qu’à l’insu de sa fierté de fourmi qui eût bien envoyé chanter et danser toute idée de vapeurs, de langueur, et autre forme plus ou moins actuelle de l’immortel Ennui, tombait sur elle, lui pesait sur les tempes, s’appuyait à ses épaules cet on ne sait quoi qui trouble le dessein, émousse la volonté du jour et de l’heure, rend le cœur vague, la tête vide, la chair et le sang et les nerfs prépondérants sur l’esprit, et le temps si long, si lourd, si sottement insupportable