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louise leclercq

exemple, que la fenêtre de la pièce du rez-de-chaussée où elle travaillait soit de la plume, soit de l’aiguille, ruisselait ou dégouttait, ou simplement ne laissait passer qu’un jour sale au lieu du jour jamais bien chaud ni clair mais du moins net et doux des beaux temps, l’ennui la prenait, un ennui vague et dont elle n’eût su constater seulement l’existence, loin de pouvoir le définir. Cette fille occupée à des travaux rationnellement équilibrés où l’intelligence et le corps avaient leur juste part, était en outre trop dégagée de toute phrase de roman, de toute conversation pointue, de tout entortillage, de toute chinoiserie de la pensée, pour devoir admettre, fût-ce un instant, fût-ce par surprise, que quelque chose comme un « ennui vague » pût se glisser dans l’active régularité de sa vie. Elle avait bien eu parfois des chagrins plus ou moins vifs, des contrariétés comme tout le monde est appelé à en subir et dont elle se souvenait très nettement, moralisant en elle-même à leur propos, tirant de ces minimes catastrophes la somme d’expériences qu’elles étaient susceptibles de contenir, exploitant jusqu’au souvenir du déplaisir souffert, s’en faisant un cuisant prétexte pour éviter, fuir, ou repousser l’occasion même la plus plausible (en dehors d’un devoir à remplir, bien entendu) de s’y exposer à nouveau ; — mais d’ennui, de cette chose molle, pénétrante, inconsistante comme le brouillard, comme un mau-