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louise leclercq

sortaient jamais, la femme et la fille, que pour aller à une messe basse le Dimanche, le ménage qu’aux jours de réjouissance nationale ou de telles grandes fêtes parisiennes comme l’Assomption et Noël, pour voir les illuminations ou les baraques du boulevard, ou faire hors des fortifications, jusqu’aux premières maisons de Clichy et de Saint-Ouen, un tour dans ce qu’on appelle la campagne chez les petites gens de Paris. Le Spectacle, si cher à tout ce qui provient de la grande ville ou qui vit d’elle, leur était pour ainsi dire inconnu, ainsi qu’il arrive d’ailleurs très souvent aux boutiquiers besoigneux ou simplement sérieux, comme on dit dans ce monde-là. Mais ils devaient à leur origine parisienne comme à l’obstination de leur vie dans ce pourtour de la capitale, de partager avec leurs concitoyens le préjugé, presque la vénération du Théâtre, de ses choses et de ses hommes. Ils recevaient le Petit Journal et en collectionnaient les feuilletons qu’ils prêtaient à des voisins et qui ne rentraient pas toujours aussi exactement qu’il eût fallu pour bien faire. L’épargne la plus stricte sans trop d’exagération toutefois présidait à leurs dépenses de ménage. Une nourriture très simple, bœuf et légumes de la saison, peu de mouton, du veau rarement et presque jamais de charcuterie, le tout arrosé de vin au litre, — égayé de dessert et de café tous les dimanches sans faute et parfois un jour de la semaine, selon le caprice du