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élégies

Qui boude drôlement sous quel nez qui se moque,
Nez en l’air, nez léger, petit nez qu’un rien choque
Et fronce amusamment, sottise ou male odeur.
Ou parfum excessif, ou propos em…nuyeur.

Quelque méchanceté, dame ! il faut qu’on l’avoue,
Te hérisse à son tour — et certes je t’en loue,
Mais j’en souffre — et sur moi, non pas étourdiment,
Mais de propos délibéré, va promenant
Sa herse, tel un laboureur brisant des mottes.

— Ô que tes longues mains, n’étant plus des menottes,
Bercent, ne griffent plus mon amour agité. —

Mais au fond, bien au fond, cette méchanceté
Même m’est salutaire et bonne, tant je t’aime !
Elle fouette mon sang qui coule plutôt blême
A cause de la maladie et des ennuis.
Elle avertit le casse-cou fou que je suis,
Et, par l’effet de la pure logique, amène
Mon regret, ou plutôt mon remords, à l’amène
Façon que j’ai, des jours de penser et d’agir
Et j’entends ma méchanceté propre rugir
Et rendre malheureux tel ou tel ou telle autre
En dépit de mes airs tout ronds de bon apôtre.
Aussi, malgré les pleurs dont tu rougis mes yeux,
Je proclame à jamais les torts délicieux.