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amour

Mais l’ensemble est resté, somme toute, très bien.
Le peuple est froid et chaud, non sans un fond chrétien.
Belle, très au dessus de toute la contrée,
Se dresse éperdument la tour démesurée
D’un gothique beffroi sur le ciel balancé
Attestant les devoirs et les droits du passé,
Et tout en haut de lui le grand lion de Flandre
Hurle en cris d’or dans l’air moderne : « Osez les prendre ! »

Le pays de mon rêve est un site charmant
Qui tient des deux aspects décrits précédemment :
Quelque âpreté se mêle aux saveurs géorgiques.
L’amour et le loisir même sont énergiques,
Calmes, équilibrés sur l’ordre et le devoir.
La vierge en général s’abstient du nonchaloir
Dangereux aux vertus, et l’amant qui la presse
A coutume avant tout d’éviter la paresse
Où le vice puisa ses larmes en tout temps,
Si bien qu’en mon pays tous les cœurs sont contents,
Sont, ou plutôt étaient.
Sont, ou plutôt étaient. Au cœur ou dans la tête,
La tempête est venue. Est-ce bien la tempête ?
Et tous cas, il y eut de la grêle et du feu,
Et la misère, et comme un abandon de Dieu.
La mortalité fut sur les mères taries
Des troupeaux rebutés par l’herbe des prairies
Et les jeunes sont morts après avoir langui
D’un sort qu’on croyait parti d’où, jeté par qui ?