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bonheur


Emportant sur son aile électrique les ires
Et les affres et les tentations encor ;
Ton bon sens, — tel après du fifre c’est du cor, —
Vient paisiblement mettre fin aux délires,

N’étant point, ô que non ! le prud’homisme affreux,
Mais l’équilibre, mais la vision artiste,
Sûre et sincère et qui persiste et qui résiste
À l’argumentateur plat comme un songe creux ;

Et ta bonté, conforme à ta jeunesse, est verte,
Mais elle va mûrir délicieusement !
Elle met dans tout moi le renouveau charmant
D’une sève éveillée et d’une âme entr’ouverte.

Elle étend, sous mes pieds, un gazon souple et frais
Où ces marcheurs saignants reprennent du courage,
Caressés par des fleurs au gai parfum sauvage,
Lavés de la rosée et s’attardant exprès.

Elle met sur ma tête, aux tempêtes calmées.
Un ciel profond et clair où passe le vent pur
Et vif, éparpillant les notes dans l’azur
D’oiseaux volant et s’éveillant sous les ramées.

Elle verse à mes yeux, qui ne pleureront plus,
Un paisible sommeil dans la nuit transparente
Que de rêves légers bénissent, troupe errante
De souvenirs et d’espoirs révolus.