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JADIS ET NAGUÈRE

Et son orgueil jaloux monta dessus
Comme un vainqueur foule un champ de bataille.
Seule la mort pouvait être à sa taille
Il l’insulta, la défit. C’est alors
Qu’il vint à Dieu sans peur et sans remords
Il vint à Dieu, lui parla face à face
Sans qu’un institut hésitât son audace.

Le défiant Lui, son Fils et ses saints ?
L’affreux combat ! Très calme et les reins ceints
D’impiété cynique et de blasphème,
Ayant volé son verbe à Jésus même,
Il voyagea, funeste pèlerin,
Prêchant en chaire et chantant au lutrin,
Et le torrent amer de sa doctrine,
Parallèle à la parole divine,
Troublait la paix des simples et noyait
Toute croyance, et, grossi, s’enfuyait.
Il enseignait : « Juste, prends patience.
« Ton heure est proche. Et mets ta confiance
« En ton bon cœur. Sois vigilant pourtant,
« Et ton salut en sera sûr d’autant.
« Femmes, aimez vos maris et les vôtres
« Sans cependant abandonner les autres…
« L’amour est un dans tous et tous dans un,
« Afin qu’alors que tombe le soir brun
« L’ange des nuits n’abrite sous ses ailes
« Que cœurs mi-clos dans la paix fraternelle. »