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Pourtant, ici, une intimité émue se mêle à la magnificence. L’agonisante est entourée de tendresse et de bons soins pieux. Une fougue énorme guide le burin qui innove, dans la partie supérieure de la planche, on ne sait quelle impressionnante et très libre facture.

Quand, après la mort de sa première femme, Rembrandt s’isole à la campagne et se laisse conquérir et peut-être consoler par les bois, les prés et les horizons calmants, la notation des effets du ciel et du sol le tente. Certes, ce ne sont là qu’aide-mémoire ou esquisses rapides prises comme en marge de son œuvre. Ces études d’après nature, où il s’inquiète pour la première fois de la réalité nue sans se donner la peine de la hausser jusqu’aux plans de sa vision éclatante, sont riches en détails observés et notés de main sûre et nerveuse. En voici quelques-unes : Le Moulin, La Vue d’Omval, Le Pont de Six, Le Canal.

Aussitôt après, dès 1648, il nous donne le Docteur Faustus, une merveille. Le célèbre savant, debout devant sa table de travail, regarde la fenêtre. Derrière elle, semble passer un personnage dont on découvre le bras et la main, et dont la tête est remplacée par un cartouche rayonnant où se lisent les noms du Christ, et, parmi d’autres caractères, le nom d’Adam. La lumière qui en émane inonde les livres, la mappemonde et la tête inquiète et interrogative de Faust. Comme toutes les grandes œuvres du maître, cette planche est baignée de mystère et foudroyée de prodige. Elle angoisse, et, comme le docteur lui-même, celui qui l’analyse est dans l’attente.