Page:Verhaeren - Rembrandt, Laurens.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Italiens — surtout Marc-Antoine, — les Allemands — surtout Albert Dürer — ont travaillé leurs planches suivant des méthodes fixes, suivant une façon quasi mécanique de conduire le trait, suivant une ou plusieurs formules bien définies et constamment respectées.

Lucas de Leyde, celui que Rembrandt admirait comme un maître, n’échappe point encore à la manière. Il maintient la juxtaposition graduée des traits soit rectilignes, soit concentriques, suivant la forme des objets ; il ne soupçonne point le jeu libre des beaux blancs mis en opposition avec les noirs profonds ; il ne se doute point des ressources du burin, ni de la pointe ; il œuvre honnêtement, ponctuellement, habilement, mais sans fougue ni sans audace.

Rembrandt révolutionne le domaine de la gravure avec la soudaineté et la décision du génie. On dirait qu’il entre le premier dans cet art, que nul avant lui n’ait tenu entre ses doigts l’outil d’acier et que la plaque de cuivre n’ait jamais dévoilé ses ressources à personne.

Dès ses premiers essais — 1628 à 1631 — il se conquiert. Le portrait de sa mère, le sien, connu sous le nom de Rembrandt aux trois moustaches, révèlent déjà quelle sera son originalité. On n’y surprend aucune manière, sinon celle qui deviendra la sienne. La pointe s’émancipe, elle mord le métal avec acuité et indépendance. Ce ne sont plus des traits réguliers, mais comme un embrouillamini de hachures, les unes en toile d’araignée, les autres en pattes de mouches, toutes concourant soit à des harmo-