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mande des Syndics (1661, musée d’Amsterdam) pour la corporation des drapiers. L’œuvre est certes la plus parfaite que le maître ait laissée — mais elle est loin d’être la plus haute et la plus belle.

Une sorte d’apaisement semble s’être fait en son esprit en la peignant. Tout y est ordre, mesure, tranquillité, force et sagesse. Pour les peintres, jamais on n’a mieux peint, ni mieux composé. La facture est large et sûre ; le ton sobre, sonore et plein. La puissance des noirs et des bruns, et la grande ampleur des rouges du tapis, loin de monotoniser l’œuvre, en augmentent l’impeccable prestige. On dirait une toile faite par un maître devant lequel la science de tous les autres maîtres se serait inclinée et s’avouerait vaincue.

Mais Rembrandt n’était point fait pour s’immobiliser, fût-ce dans la perfection. Sa force est trop profonde. Il ne veut s’arrêter à la surface des formes justes et des colorations irréprochables. Aussi bondit-il vers de nouvelles et plus ardentes expressions de vie et, sur le point de mourir, invente-t-il comme une nouvelle peinture.

C’est dans le dénuement quasi absolu qu’il peint, au hasard de ses séjours de logis en logis, d’auberge en auberge, ses deux portraits (1660) dont l’un s’impose au Louvre et l’autre à la collection de lord Lansdowne.

C’est en 1660 également qu’il peint une dernière fois son ami Six. La caractérisation du modèle obtenue par quelques coups de pinceau essentiels, une fougue maîtrisée et donnant l’illusion de la plus haute puissance d’art,