Page:Verhaeren - Rembrandt, Laurens.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

célébrer de tels succès. Si son tableau La Concorde du pays nous présente une admirable page pittoresque où se heurtent un fouillis de lances, de chevaux, de cavaliers, de cartels et d’épées, mille intentions violentes et confuses, aucune idée maîtresse et claire ne s’en dégage. Voici coup sur coup de merveilleuses toiles : Jacob s’évanouissant à la vue de la robe de Joseph, Abraham recevant les anges, Le Bon Samaritain et Les Pèlerins d’Emmaüs. Ces deux dernières appartiennent au Louvre et sont datées de 1648.

Dans la première, la scène se passe en une cour d’auberge. Un homme riche y ramène un malade pauvre pour le soigner et lui verser plus encore dans le cœur que sur ses plaies tout un trésor de charité et de bonté. Le crépuscule qui tombe semble avec toute sa douceur et sa mélancolie participer à ces hauts sentiments humains. La toile, traitée avec une simplicité entière, se trouve tout à coup grandie par cette intervention magnifique et sereine de la nature. Le Samaritain devient comme un symbole, et c’est vraiment la miséricorde infinie que cette page profère.

Les Pèlerins d’Emmaüs sont plus merveilleux encore. Rien n’apparaît dans le décor qui ne soit comme humble et nu. Toute la splendeur de l’œuvre, toute sa pénétration profonde, toute sa surnaturelle puissance résident dans trois attitudes — celles des deux disciples et du serviteur — et dans la tête du Christ. Jamais un tel visage de Dieu n’a ébloui la peinture. Les têtes de Jésus de Léonard de Vinci, celles de Titien, celles de Rubens, celles