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On va d’un panneau à l’autre, pieusement, comme les fidèles dans les églises font le chemin de croix. Les scènes succèdent aux scènes ; elles s’enchaînent, se complètent. Elles sont échelonnées sur la même voie douloureuse.

Le maître, selon sa coutume, habille ses personnages des costumes les plus variés. Des seigneurs à turban et à pelisses y côtoient des gens du peuple fagottés comme en Hollande ; des femmes vêtues comme des religieuses s’y trouvent placées à côté de princesses sorties d’un rêve. Ce dédain de toute vraie couleur locale incite l’esprit à se représenter la scène loin de tout lieu réel, là-bas, quelque part, dans l’imaginaire. Une sorte de drapeau sacré pend, dans la grotte sépulcrale, au-dessus de l’ensevelissement.

Le drame apparaît tout autant dans la disposition et l’éclairage des décors que dans l’attitude et l’angoisse des groupes humains. Pour Rembrandt, ce sont les choses autant que les êtres qui sont affectées par la fin de celui qui les créa. Il plane au-dessus de l’Érection de la Croix, de l’Ensevelissement, de la Résurrection et de l’Ascension une telle atmosphère d’agonie ou de splendeur, qu’on se croit soit à la fin de notre monde, soit à la naissance d’un univers nouveau.

La Sainte Famille du Louvre (1640), dont l’intimité et l’humilité soulignent la céleste douceur, le Sacrifice de Manué (1641) de la galerie de Dresde, où tant de simplicité s’unit à une émotion si contenue, le Jeune homme