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geste ne détonne. Aucune parade, nulle enflure. L’impression est authentique : on ne doute pas un instant que le ciel s’est occupé de la terre, que Dieu s’est incliné vers les hommes et que le vieillard adorant a été touché par une main sortie de la nue.

De même dans l’histoire de Samson — Samson menaçant son beau-père (1635, musée de Berlin), Samson terrassé par les Philistins (1636, coll. Schoenborn), Noces de Samson (1638, galerie de Dresde) — la signification de la légende est précisée avec sobriété et grandeur sans aucune rhétorique, sans la moindre déclamation.

La tragédie de l’Évangile devait nécessairement s’imposer à l’art de Rembrandt. Tant d’humanité s’y mêle à tant de douleur et de grandeur, de si beaux gestes s’y dessinent sur fond de cataclysme, la bonté suprême, la douceur infinie, les larmes, les tendresses, les désespoirs s’y confondent en de tels sanglots, que rien plus que cette passion d’un Dieu fait homme n’était à même de fournir au peintre un sujet qui convînt à sa force. Le prince d’Orange le lui commanda. Rembrandt l’acheva en 1638.

Il le divisa en cinq compositions. Il les estime 1000 florins pièce et dans la lettre qui accompagne leur envoi à leur destinataire, il écrit : « Je me fie au goût et à la discrétion du prince qui pourrait me donner moins, si Son Altesse trouve que mon travail ne mérite pas autant. »

C’est à la Pinacothèque de Munich que l’œuvre a été recueillie.

À la voir, on est frappé d’abord par sa profonde unité.