Page:Verhaeren - Rembrandt, Laurens.djvu/56

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ni un susciteur de symboles ; il est celui qui doue d’authenticité le surnaturel. Sous son pinceau, le prodige semble avoir eu lieu vraiment, tant il y inclut d’humanité pantelante et profonde. Il empêche que l’on doute de ce qu’il décrit. Vivant naturellement dans le monde de son imagination, il nous y fait croire aussi aisément que ses compatriotes les Metsu et les Terburg nous font admettre l’existence d’une belle dame, assise devant une table et portant à sa bouche le fruit juteux qu’elle prit, voici un instant, dans une assiette d’argent ou de vermeil.

Orienté d’une telle manière vers la peinture suprême, il s’amuse à pourtraicturer d’abord ceux qui la lui suggèrent : les rabbins à grande barbe, au nez busqué, aux yeux profonds, à l’allure imposante et sacerdotale. Pour les grandir et les solenniser plus encore, il les affuble de turbans, de manteaux riches, de pelisses mordorées, d’aigrettes frêles et fines où radie parfois une pierre précieuse. Et c’est également lui-même qu’il traduit sur ses toiles, d’abord parce qu’il s’aime ardemment, ensuite parce qu’il se sent beau de jeunesse et de force. Il se mue, grâce à des déguisements nombreux, soit en prince, en gentilhomme, en guerrier ; il s’apparaît à lui-même comme sortant de l’histoire ou de la légende ; il s’admire en son rôle d’être extraordinaire et fou et satisfait ainsi ses goûts les plus décisifs. Ses effigies datant de cette époque (1630 à 1634) se retrouvent aux musées de La Haye, de Florence, de Cassel, de Brunswick et de Londres.