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qu’atteignent les remarques faites au début de cette étude et que viseront celles qui la termineront. Et sa marche toujours ascendante dans la lumière suprême commence. Le succès de la Leçon d’anatomie attire vers son atelier certains personnages amsterdamois qui l’abandonneront ensuite. Il les campe en des portraits de plus en plus libres de facture et de couleur. Ses modèles sont le docteur Tulp, le poète Jean Krul, le secrétaire d’Etat Maurice Huygens, le bourgmestre Pellicorne et sa femme Suzanne van Collen, le pasteur Alenson et son épouse ; enfin, Martin Daey et surtout sa femme, Machteld van Doorn, dont la toilette de satin et de bijoux semble choisie par Rembrandt lui-même pour satisfaire son goût naissant d’opulence orfévrée.

Jusqu’à ce moment, il n’a fait qu’affirmer sa maîtrise. On le comprend aisément ; il est avant tout un peintre. Bientôt, il deviendra le visionnaire. Il commence à fréquenter chez les Juifs. On le surprend chez les rabbins qui lui expliquent les Bibles, qui affirment l’étrange et le surnaturel, qui donnent aux versets une interprétation soudaine et comme illuminée, qui font vivre à ses yeux le rêve intérieur qu’il porte en lui.

On peut le définir : le peintre des miracles. Tout, son métier, sa couleur, la lumière prodigieuse qu’il crée et dont il a doté l’art à jamais, le prédispose à cette mission suprême. Il n’est point un artiste spécialement religieux, il n’est point un assembleur de drames fantastiques, il n’est point un éveilleur de songes peints,