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tomie qui, tout à coup, le met en grande lumière comme les personnages de son tableau. Ce fut un émerveillement, bien que de nombreux défauts (inattention de quelques personnages qui regardent le spectateur au lieu de suivre la démonstration du professeur ; peinture trop sèche dans les avant-plans, peinture trop molle dans les chairs forcément rigides du cadavre) nous défendent de ranger parmi les chefs-d’œuvre ce grave et déjà puissant morceau d’art. Il est certain que tels portraits faits à la même époque prouvent mieux que la Leçon d’anatomie quel observateur aigu et fort était Rembrandt vers l’âge de vingt-cinq ans. Dans les soi-disant Hugo Grotius et sa femme (1632 et 1633) du musée de Brunswick, dans la Marguerite van Bilderbeecq (1633) du musée de Francfort, dans le Coppenol (vers 1632) du musée de Cassel, se manifeste un tel souci d’exactitude, de minutie et de vérité et des dons si solides et si probes que, dès cette période quasi de début encore, un grand peintre individuel et complet s’y devine.

Élargir sa manière, libérer son dessin, se réjouir les yeux par l’emploi de couleurs généreuses et riches, s’habituer aux pâtes grasses et profondes, se donner tout entier à la vie, voilà ce qu’il se propose immédiatement après. Il ose s’écouter, il va se comprendre.

Il s’est rapidement conquis ; le peu qu’il doit au voisin, il se l’est si profondément assimilé qu’il se l’est fait sien. Dès ce moment, il ne sera plus qu’un génie qui exprime son évolution, c’est-à-dire le vrai et grand Rembrandt,