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celles de Mantegna, dans les triptyques de van Eyck, dans les statues des cathédrales françaises, dans les pages de Dürer et de Holbein, ce constant et magnifique souci s’affirme uniformément dominant. Rembrandt s’acharne aux mêmes recherches et, plus merveilleusement qu’aucun de ses prédécesseurs illustres, y réussit. La beauté divine des antiques se transforme sous ses mains en une vérité pathétiquement humaine. Son Dieu, ses Vierges, ses saints, ses Vénus, ses Proserpine, ses Diane, ses Danaé, ses Ganymède participent aux déformations, aux misères et même aux laideurs dont l’humanité souffre. Ils sont proches de nous. Ils sont nous-mêmes. Ils témoignent — voyez le Christ des Pèlerins d’Emmaüs — d’une émotion soudaine, grâce au sentiment profond, pitoyable et souffrant que nous retrouvons en nous, mais que Rembrandt magnifie souverainement en eux. Ils sont caractéristiques comme jamais personnages ne le furent en art.

Pour la critique, trois toiles célèbres, la Leçon d’anatomie (1632), la Ronde de nuit (1642), les Syndics (1661), représentent les trois manières de Rembrandt. Ces divisions ont l’avantage d’imposer une méthode dans l’exploration touffue de l’œuvre totale, mais elles nous paraissent dangereuses et superficielles. Rembrandt n’a point changé de peindre d’une façon pour en adopter une autre. Il n’a jamais subi, à part celle de Lastman, aucune influence ; il s’est développé logiquement, ne trouvant matière à changement qu’en lui-même. On peut donc dire, ou bien qu’il n’a qu’une manière, la sienne, ou bien qu’il en a eu