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elle éclaire ses apparentes contradictions, ses rires quand ses larmes sont à peine séchées, ses abattements suivis d’une vigueur soudaine, ses amours sans cesse renaissantes, ses oublis faciles, ses dédains et ses mépris, ses grandeurs et ses folies. Toutes les antithèses il les noue en faisceau et les porte droit devant lui, parce qu’il les rassemble avec les cordes d’or de cette illusion maîtresse. Il apparaît complexe et contradictoire. À la vérité il est logique sans le vouloir.

L’ingénuité, la candeur, le don d’enfance qu’il conserva sans le ternir, le cuirassaient contre les hommes et les choses ; l’indifférence et l’égoïsme brûlant en lui comme une fête avec tous leurs feux, jusqu’au soir de ses jours, lui assuraient la victoire même dans la défaite. Ce caractère, au surplus, lui était nécessaire pour son travail et pour sa pensée. S’il n’avait été armé de la sorte, son œuvre eût été interrompue à mi-hauteur et le faîte glorieux dont sa vieillesse l’a couronnée manquerait tout entier.


IV.

Son œuvre.


Grandir en apaisant, c’est tout l’art antique ; grandir en caractérisant, c’est tout l’art chrétien. Une sérénité souveraine règne sur les interprétations de la vie que les anciens ont créées ; par contre, dès que notre art, en Italie, en Flandre, en France, en Allemagne, prend son essor, une préoccupation constante du relief psychologique se manifeste. Dans les œuvres de Crivelli, surtout dans